Enfin notre tour vint. Le juge était un homme bienveillant, à barbe grise. Il dit à Odile de ne pas être troublée; il nous parla de nos souvenirs communs, des liens du mariage; puis il nous engagea à essayer une dernière fois de nous réconcilier. Je dis: «Ce n'est malheureusement plus possible.» Odile regardait devant elle fixement. Elle avait l'air de souffrir. «Peut-être regrette-t-elle un peu,» pensai-je... «Peut-être ne l'aime-t-elle pas tant que je le crois... Peut-être est-elle déjà déçue?» Puis, comme nous nous taisions l'un et l'autre, j'entendis le juge qui disait: «Alors ayez l'obligeance de signer ce procès-verbal.» Nous sortîmes ensemble, Odile et moi. Je lui dis:
«Voulez-vous faire quelques pas?»
«Oui,» dit-elle. «Il fait si beau. Quel hiver exquis.»
Je lui rappelai qu'elle avait laissé chez nous beaucoup d'objets qui lui appartenaient; je lui demandeai si je devais les faire porter chez ses parents.
«Si vous voulez, mais, vous savez, gardez tout ce qui vous plaira... Moi, je n'ai besoin de rien; d'ailleurs je ne vivrai pas très longtemps, Dickie, vous serez vite débarassé de mon souvenir.»
«Pourquoi dites-vous cela, Odile? Vous êtes malade?»
«Oh! non,
pas du tout! C'est une impression... Surtout remplacez-moi vite, si j'étais sûre que vous êtes heureux, cela m'aiderait beaucoup à l'être.»
«Je ne pourrai jamais être heureux sans vous.»
«Mais si, au contraire, vous verrez bientôt comme vous serez soulagé d'être délivrée dune femme insupportable... Je ne plaisante pas, vous savez, c'est vrai que je suis insupportable... Comme c'est joli, la Seine, en cette saison!»
Elle s'arrêta devant un étalage. Il y avait dans la vitrine des cartes marines; je savais qu'elle les aimait.
«Voulez-vous que je vous les achète?»
Elle me regarda avec beaucoup de tristesse et de tendresse.
«Comme vous êtes gentil,» dit-elle. «Oui, je veux bien; ce sera le dernier cadeau que je recevrai de vous.»
Nous entrâmes pour acheter les deux cartes; elle appela un taxi pour les emporter et enleva son gant pour me donner sa main à baiser. Elle me dit:
«Merci pour tout...»
Puis elle monta sans se retourner.
ANDRÉ MAUROIS, França, "Climats", 1928
Por fim chegou a nossa vez. O juiz era um homem afável, de barba grisalha. Disse a Odile que não se inquietasse; falou das nossas lembranças comuns, dos laços do matrimónio; depois convidou-nos a tentar pela última vez a reconciliação. Eu disse: «Infelizmente já não é possível.» Odile olhava em frente, fixamente. Tinha um ar pesaroso. «Talvez lamente um pouco,» pensei... «Talvez não o ame tanto como creio... Talvez já se tenha decepcionado...» Depois, como um e outro nos calássemos, ouvi o juiz dizer: «Então façam o obséquio de assinar este auto.» Saímos juntos, Odile e eu. Eu disse-lhe:
«Quer andar um bocado?»
«Sim,» disse ela. «Está tão bom tempo. Que Inverno delicioso.»
Lembrei-lhe que deixara em nossa casa muitos objectos que lhe pertenciam; perguntei-lhe se devia mandá-los entregar em casa dos pais.
«Se quiser, mas oiça, fique com tudo o que lhe agradar... Não preciso de nada; e de resto, não viverei muito tempo, Dickie, depressa se livrará da minha recordação.»
«Diz isso porquê, Odile? Está doente?»
«Não, nada! É uma impressão... O principal é que me substitua depressa, se eu tivesse a certeza de que é feliz, isso ajudar-me-ia muito.»
«Nunca poderei ser feliz sem si.»
«Pode, sim, e em breve sentirá alívio por se ver livre duma mulher insuportável... Não estou a brincar, sabe que é verdade, sou insuportável... Que lindo é o Sena nesta altura!»
Parou diante duma loja. Havia na montra cartas de marear e eu sabia que ela as apreciava.
«Quer que lhe compre alguma?»
Olhou-me com muita tristeza e com ternura.
«É tão atencioso,» disse. «Quero, sim; será a última prenda sua.»
Entrámos para comprar as duas cartas; ela chamou um táxi para as levar e tirou a luva para me dar a mão a beijar. Disse-me:
«Obrigada por tudo...»
Depois subiu sem olhar para trás.